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Nouveautés : prorogation des délais et procédure écrite devant les cours et tribunaux

Nouveautés : prorogation des délais et procédure écrite devant les cours et tribunaux

Publié le : 24/04/2020 24 avril avr. 04 2020

Nouveautés : prorogation des délais et procédure écrite devant les cours et tribunaux 
L’essentiel de l’arrêté royal de pouvoirs spéciaux en matière de procédure civile


L’arrêté royal n°2 du 9 avril 2020 concernant la prorogation des délais de prescription et les autres délais pour ester en justice ainsi que la prorogation des délais de procédure et la procédure écrite devant les cours et tribunaux 1  prévoit deux mesures particulières relatives au déroulement des procédures civiles, s’appliquant entre le 9 avril, date de publication de l’arrêté, jusqu’au (minimum) 3 mai inclus 2

La prolongation de ces délais ne s’applique que dans le cadre des procédures introduites ou à introduire devant les cours et tribunaux du pouvoir judiciaire 3 , à l’exception des affaires administratives 4  et pénales (sauf s’il s’agit d’intérêts purement civils, comme tout ce qui touche à la réparation des dommages subis, matériels ou corporels), ce qui comprend les affaires de délinquance juvénile qui ressortent de la compétence protectionnelle des tribunaux de la jeunesse. 

Sont également écartées de l’application de la mesure les procédures disciplinaires, ainsi que les « mesures d’ordre ». 

1. Prorogation de certains délais (art 1er) 

1.1. Allongement des délais de prescription et autres délais pour introduire une demande en justice (art. 1er, §1)

Les délais de prescription et autres délais pour introduire une demande en justice devant une juridiction civile, qui expirent entre le 9 avril 2020 et le 3 mai inclus, sont prolongés de plein droit pour un mois à partir de l’issue de cette période. 

Par exemple :

Un assuré veut agir en justice à l’encontre de son assurance afin d’obtenir, en exécution de son contrat d’assurance, l’indemnisation de son dommage. Cette action doit normalement être intentée dans un délai de 3 ans à compter du jour de l’événement qui donne lieu à l’ouverture de l’action (art. 88 loi du 4 avril 2014 relative aux assurances). Si ce délai expire le 10 avril 2020, donc pendant « le confinement », il sera prolongé jusqu'à la fin de cette période « majoré » d'un mois, donc, à ce stade, jusqu’au 3 juin 2020. 

Attention ! Cette prolongation ne joue que pour les délais qui expirent après le 9 avril 2020, soit après la publication de l’arrêté.  Elle ne joue pas pour les délais qui sont déjà venus à échéance avant le 9 avril 2020 .

1.2. Délais de procédure et délais pour exercer une voie de recours (art. 1er, §2) 

1.2.1. Principe


Les délais de procédure et les délais pour introduire une voie de recours (notamment, « aller en appel ») qui expirent entre le 9 avril 2020 et le 3 mai 2020 inclus sont prolongés de plein droit d’une durée d’un mois après l’issue de cette période, soit le 3 mai 2020.

Il en va de même pour la communication et le dépôt de conclusions au greffe : tout délai utile qui expire entre le 9 avril 2020 et le 3 mai 2020 est automatiquement reporté au 3 juin 2020.

Attention ! Il faut que l’expiration entraîne ou puisse entraîner la déchéance du recours, ou tout autre « sanction » si l’acte n’est pas accompli en temps utile.  Par conséquent, cette prorogation ne s’applique pas aux délais purement indicatifs, ou délais d’ordre, ni aux délais d’attente.

Par exemple :
Tout(e) appel, opposition, tierce-opposition, pourvoi en cassation… qui devait être formé(e) entre le 9 avril 2020 et le 3 mai 2020, du fait de l’arrêté, expirera le 3 juin 2020 qui devient, à ce stade, le dernier jour pour agir.


1.2.2. Report des éventuels délais subséquents

La prolongation légale des délais de procédure est susceptible d’affecter les actes juridiques successifs, par exemple, le calendrier des dépôts des conclusions des parties à un procès. 

En conséquence, l’arrêté prévoit que, lorsqu’un délai est prolongé, l’échéance des délais suivants est, par effet de domino, également reportée pour une même période 6 .  

De cette manière, tous les délais seront reportés de manière égale et aucune partie n’est préjudiciée par l’éventuel report dont a bénéficié son adversaire.

Par exemple : un calendrier d’échange de conclusions :
Si aucune date de dépôt ne tombe pendant la période de crise, rien ne change. 
Par contre, si un délai expire entre le 9 avril 2020 et le 3 mai 2020, le délai sera prolongé, à l'heure actuelle, jusqu'au 3 juin 2020. Les délais éventuels qui suivent expirent après la période de crise et ne sont donc pas prolongés, mais simplement "retardés dans le temps", ils durent aussi longtemps qu'avant, mais commencent à courir plus tard.
Supposons que, initialement, A doive conclure pour le 10 avril 2020, B pour le 10 mai 2020 et C pour le 10 juin 2020. A, en vertu de l'arrêté, pourra conclure jusqu'au 3 juin 2020. B pourra conclure le 3 juillet et C pourra conclure le 3 août.  



L’arrêté prévoit également que si ces prolongations ont pour conséquence que le dernier délai expire moins d’un mois avant l’audience initialement fixée, celle-ci sera remise de plein droit à la première audience disponible un mois après l’expiration du dernier délai 7 .

Toutefois, afin d’éviter un retard important dans le traitement des affaires, certaines juridictions liégeoises envisagent de laisser la possibilité pour les parties de renoncer à ce délai d’un mois.  

De la sorte, dans l’hypothèse dans laquelle le dernier jeu de conclusion est déposé moins d’un mois avant l’audience des plaidoiries, celle-ci pourrait être maintenue à la date initialement prévue si toutes les parties acceptent de renoncer au délai d’un mois entre le dépôt des conclusions et l’audience de plaidoiries. 

L’adaptation des calendriers se fera de plein droit par le tribunal compétent, les parties elles-mêmes ne devront rien faire ou demander pour adapter celui-ci. 

Le Tribunal ne devra que communiquer une nouvelle date d’audience 8

Néanmoins, les parties, de commun accord, pourront décider de conserver le calendrier initial ou de s’accorder sur des nouvelles échéances et de convenir à l’amiable d’un calendrier contraignant « recalculé ».

1.2.3. Affaires urgentes

Si la poursuite d’une procédure est urgente, parce qu’elle engendre un préjudice grave, le Tribunal peut, sur demande motivée et justifiée d’une partie, exclure la prolongation des délais de procédure 9 .

Si la demande est formulée oralement à l’audience, le juge statue sur le champ.

Si la demande est formulée par écrit et envoyée au tribunal compétent, elle est communiquée en même temps aux autres parties, qui peuvent présenter des observations écrites (par exemple, marquer accord ou s’opposer) dans un délai de huit jours.  Après l’expiration de ce délai, le tribunal statue sans délai sur pièces.

Aucun recours n’est possible contre la décision du tribunal de considérer une affaire comme urgente ou comme non urgente.

2. Procédure écrite devant les cours et tribunaux (art. 2)

2.1. Principe

Toutes les affaires fixées devant les cours et tribunaux à une audience à partir du 11 avril 2020 (2ème jour après la publication de l’arrêté) jusqu’au 3 juin 2020 inclus, et dans lesquelles toutes les parties ont conclu, sont prises de plein droit en délibéré sur la base des seules conclusions et pièces communiquées, sans plaidoiries 10 .

Cela implique que les conclusions doivent avoir été complètes et que toutes les pièces doivent avoir été déposées car personne ne pourra s’exprimer oralement.

Attention donc ! La procédure écrite devient la règle durant cette période dérogatoire, et ce sans que les parties ne doivent demander la prise en délibéré sans plaidoiries.

Cette règle ne vaut pas pour les dossiers dans lesquels une partie n’est pas représentée par un avocat, ce qui exclut notamment la possibilité qu’une partie soit condamnée par défaut, sans avoir eu la possibilité de s’exprimer 11 . Le juge a la liberté, et la responsabilité, de décider que, eu égard à toutes les circonstances pertinentes, parmi lesquelles figure le souci d'éviter le plus que possible un arriéré, sauf si des intérêts prépondérants rendent un retard inévitable. Une attention particulière sera apportée à la circonstance qu'une partie n'est pas représentée par un avocat.

En outre, dès lors que l’affaire ne peut être prise en délibéré sans plaidoiries qu’à condition que toutes les parties aient pris des conclusions, l’application de la procédure écrite aux affaires à traiter à l’audience d’introduction 12 est quasiment exclue.

2.2. Exception

Cette règle du recours à la procédure écrite s’applique à toutes les causes devant les cours et tribunaux, à l’exception des causes pénales, à moins qu’elles concernent uniquement les intérêts civils. 

2.3. Nuances 

Si les parties ne souhaitent pas qu’il soit recouru à la procédure écrite, elles ont la possibilité s’y opposer par écrit et détaillent leur objection au plus tard une semaine avant l’audience fixée 13 .  

Cette opposition peut être communiquée soit via DPA-Déposit ou E-Déposit 14 , soit physiquement au greffe ou même par courrier 15 .

Si une ou plusieurs parties font part de leur opposition au juge, il faudra distinguer les cas où : 


- Toutes les parties s’opposent à l’application de la procédure écrite : l’affaire est alors remise à une date indéterminée ou à une date déterminée 16 . Le juge ne dispose pas de pouvoir d’appréciation.

- Aucune des parties ou seulement une ou quelques-unes d’entre elles s’opposent à la procédure écrite : le choix est laissé à l’appréciation du juge qui statue sur pièces et qui peut soit décider de tenir l’audience, éventuellement par voie de vidéoconférence, soit remettre l’affaire à une date indéterminée ou à une date déterminée, soit prendre l’affaire en délibéré sans plaidoiries 17


2.4. Déroulement de la procédure écrite

Si l’affaire est prise en délibéré sans plaidoiries, les parties qui n’ont pas encore déposé leurs pièces au greffe, les déposent dans un délai d’une semaine à compter de la date initialement fixée pour plaider ou, le cas échéant, dans un délai d’une semaine à compter de la notification de la décision du juge quant au sort de l’affaire (tenue d’une audience, remise de l’affaire ou prise en délibéré), sous peine d’écartement d’office 18 .  

La manière dont le dépôt doit être réalisé, n’est pas précisée. Il faut donc en déduire que cela peut être accompli soit via DPA-Déposit ou E-Déposit, soit physiquement au greffe ou même par courrier 19 .

Au plus tard un mois après la prise en délibéré de l’affaire ou, le cas échéant, au plus tard un mois à partir du dépôt des dossiers de pièces, le juge peut demander que les parties donnent des explications orales, éventuellement par voie de vidéoconférence, sur les points qu’il indique.  Le cas échéant, le juge fixe une date dont le greffier informe les parties 20 .

Si l’affaire est prise en délibéré sans plaidoiries, la clôture des débats a lieu de plein droit un mois après la prise en délibéré ou, le cas échéant, après le dépôt des dossiers de pièces.  Si le juge demande des explications orales, cette clôture est prononcée par lui le jour où ces explications lui sont fournies.
Les décisions du juge visées à cet article 2 ne sont pas susceptibles de recours 21 .

M.B., 9 avril 2020.
2 Date de fin pouvant être modifiée par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des ministres.

3 Justice de paix, tribunaux de police, tribunaux de 1ère instance – du travail – de l’entreprise, Cours d’appel – du travail et Cour de cassation.
4 Càd devant le Conseil d’Etat et devant les juridictions administratives fédérales, à l'exception du Conseil du Contentieux des étrangers.
5 Cela n’empêche toutefois pas d’invoquer la théorie de droit commun de la force majeure pour les délais expirés avant le 9 avril.    
6 Article 1 §2, alinéa 2.
7 Article 1 §2, alinéa 3.
8 Article 749 du Code judiciaire.
9 Article 1 §3. 
10 Article 2 §1.

11 Article 804 du Code judiciaire.
12 Article 735 du Code judiciaire.
13 Ce délai est raccourci à la veille de l’audience pour les affaires fixées à des audiences de plaidoirie, durant la période du 11 au 17 avril 2020 inclus.  
14 Article 32ter du Code judiciaire.
15 Attention au respect du délai en ce cas : le pli doit, vraisemblablement, être réceptionné par le greffe dans ce délai d’une semaine.
16 Article 2 §2, alinéa 4.
17 Article 2 §2, alinéa 5.
18 Article 2 §3.
19 Attention au respect du délai en ce cas : le pli doit, vraisemblablement, être réceptionné par le greffe dans ce délai d’une semaine.
20 Article §4.    
21 Article 2 §6.    

Historique

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