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Le nouveau Code civil est sur les rails ! La première étape est accomplie via l’adoption du livre 8 portant sur « La preuve ».

Le nouveau Code civil est sur les rails ! La première étape est accomplie via l’adoption du livre 8 portant sur « La preuve ».

Publié le : 26/11/2019 26 novembre nov. 11 2019

1.    Introduction

La loi du 13 avril 2019 portant création d’un Code civil et y insérant un livre 8 « La preuve » est parue au Moniteur belge du 14 mai 2019.

Ce nouveau Code civil se composera de neuf livres différents, catégorisant ainsi les thèmes par souci de clarté. Les livres le composant seront les suivants :
-    Livre 1. Dispositions générales ;
-    Livre 2. Les personnes, la famille et les relations patrimoniales des couples ;
-    Livre 3. Les biens ;
-    Livre 4. Les successions, donations et testaments ;
-    Livre 5. Les obligations ;
-    Livre 6. Les contrats spéciaux
-    Livre 7. Les sûretés ;
-    Livre 8. La preuve (inséré par la loi du 13 avril 2019) ;
-    Livre 9. La prescription.

Le premier livre de ce Code civil à avoir été adopté, est le livre 8, lequel a trait au droit de la preuve civile.  
Il entrera en vigueur, dans sa globalité, le 1er novembre 2020.
Le droit de la preuve a ainsi été adapté, principalement pour aligner les règles légales aux pratiques de la jurisprudence actuelle, dans le but d’assurer la sécurité juridique et pour mieux tenir compte des avancées technologiques qui n’étaient nullement prises en compte par le Code civil de Napoléon, vieux de plus de 200 ans.
Des avancées notables sont à relever, dont l’extension de la preuve libre, l’allègement de la charge de la preuve dans certaines circonstances et la faculté, pour le juge, de déplacer le curseur du fardeau probatoire sur d’autres parties au procès que le demandeur.

2.    Composition du livre 8 « La preuve »

Le livre 8 du nouveau Code civil comprend quatre chapitres :
-    Un premier chapitre (articles 8.1 à 8.7) contient des dispositions générales, des définitions et les règles générales relative au droit de la preuve,
-    Un deuxième chapitre (articles 8.8 à 8.14) a trait à l’admissibilité des modes de preuve,
-    Un troisième chapitre (articles 8.15 à 8.39) contient les règles particulières s’appliquant aux différents modes de preuve, dont :
o    L’acte authentique (art. 8.15 à 8.17),
o    L’acte sous seing privé (art. 8.18 à 8.22),
o    L’acte sous seing privé contresigné par les avocats des parties (article 8.23),
o    Les autres écrits (article 8.24),
o    Les copies (articles 8.25 et 8.26),
o    La remise de l’acte par le créancier au débiteur (article 8.27),
o    La preuve par témoins (article 8.28),
o    Les présomptions de fait (article 8.29),
o    L’aveu (articles 8.30 à 8.32),
o    Le serment (articles 8.33 à 8.39)

3.    Nouveautés à pointer

a)    La charge de la preuve
L’article 8.4 du nouveau Code civil détermine la charge de la preuve et conserve, mutatis mutandis, les mêmes règles probatoires que celles visées à l’article 1315 du Code civil que nous connaissons.
En effet, il maintient que celui qui veut faire valoir une prétention en justice doit prouver les actes juridiques ou faits qui la fondent (alinéa 1er) et que celui qui se prétend libéré doit, quant à lui, prouver les actes juridiques ou faits qui soutiennent sa prétention (alinéa 2).
En cas de doute, celui qui a la charge de prouver les actes juridiques ou faits allégués par lui succombe au procès, sauf si la loi en dispose autrement (aliéna 4).
Ainsi, le nouveau Code civil innove en prévoyant que toutes les parties au procès doivent collaborer à l'administration de la preuve (alinéa 3) mais aussi, et surtout, en prévoyant que le juge peut déterminer, par un jugement spécialement motivé et dans des circonstances exceptionnelles, quelle partie doit supporter la charge de la preuve lorsque l'application des règles générales serait manifestement déraisonnable.
Préalablement cependant, le juge doit avoir ordonné toutes les mesures d'instruction utiles et doit avoir veillé à ce que les parties aient collaboré à l'administration de la preuve, sans pour autant obtenir de preuve suffisante.

b)    L’objet de la preuve
Dorénavant, seuls les faits ou les actes juridiques allégués mais qui sont contestés par certaines parties doivent être prouvés, sauf si la loi en dispose autrement (article 8.3).
Cela aura pour mérite d’alléger le débat judiciaire.
Il faut également relever que le texte a prévu que les faits notoires ou les règles d’expérience commune ne doivent pas être prouvés.

c)    Un assouplissement des règles relatives à la preuve et à l’augmentation des plafonds
La règle relative à la preuve est assouplie puisqu’auparavant, des écrits devaient être rapportés pour toute prétention dont la valeur était supérieure à 375 € (ancien article 1341 du Code civil).
A l’avenir, le plafond passera de 375 € à 3.500 € (article 8.9).
Cela va faciliter le rapport de la preuve pour bon nombre d’opérations de la vie quotidienne puisque, pour une tranche financière bien plus importante, la preuve pourra être fournie librement. Un contrat écrit ne sera donc plus nécessaire, comme par le passé.
Ainsi, les SMS, conversations « messenger », témoignages, e-mails, présomptions… constitueront des preuves suffisantes pour autant que la valeur des prétentions porte sur une somme inférieure à 3.500 €.
On peut penser, par exemple, à celui qui achète un vélo électrique ou une télévision en seconde main pour une somme de 1.000 €, …

d)    La vraisemblance
La règle relative au fardeau probatoire est assouplie, même pour des faits positifs, en ce sens que la preuve doit être fournie avec « un degré de certitude raisonnable » (articles 8.5 et 8.6) et non plus avec certitude absolue.
Pour justifier cet allègement, les travaux préparatoires de la loi font référence à la matière de l’assurance contre le vol, pour laquelle la jurisprudence admet de longue date que la preuve certaine d’un vol est impossible à rapporter et que le degré de preuve exigé de l’assuré est allégé (lien p. 16).
Si la preuve d’un fait négatif doit être rapportée, la preuve de la vraisemblance de ce fait peut suffire mais uniquement, si toutes les parties ont collaboré à l’administration de la preuve (articles 8.4, al. 3 et 8.6, al. 1er).
La preuve de la vraisemblance peut également suffire pour des faits positifs, lorsqu’il n’est pas possible ou raisonnable d’exiger une preuve certaine en raison de la nature des faits à prouver (article 8.6, al. 2).

e)    Les actes juridiques unilatéraux
Sauf les exceptions prévues par la loi, la faculté de rapporter la preuve libre est généralisée pour tous les actes juridiques unilatéraux, comme les testaments ou les offres d’achat, quelle que soit leur valeur (article 8.10).
Pour ce qui concerne spécialement l’engagement unilatéral de payer, il existe toutefois une condition complémentaire : la personne qui s’engage à payer doit mentionner ce qui est dû par écrit, en indiquant les montants et quantités dues en toutes lettres (articles 8.10 et 8.21).


f)    La preuve par et contre les entreprises
La libre administration de la preuve entre entreprises est étendue, sauf exception, à toutes celles qui sont inscrites à la Banque Carrefour, donc également, par exemple, aux professions libérales (dont les avocats et médecins) (article 8.11, §1er).
La preuve entre entreprises et contre entreprises peut être fournie librement, quel que soit le montant sur lequel porte la discorde et ce, même s’il dépasse 3.500 €.
La libre administration de la preuve ne peut s’appliquer que pour un acte posé par une entreprise contre une autre entreprise. Autrement dit, la preuve libre ne s’applique pas lorsqu’une entreprise veut prouver contre un particulier ou contre une partie qui ne peut être qualifiée d’entreprise (il en va de même pour une personne physique qui exerce une activité économique et qui veut prouver un acte étranger à son activité contre un particulier) (article 8.11, §1er, al. 2 et 8.11, §2, al. 2).
Sauf preuve contraire, une facture, quelle qu’elle soit, acceptée ou non contestée dans un délai raisonnable, par une entreprise fait preuve contre cette dernière de l'acte juridique allégué (article 8.11, §4, al. 1er).
La preuve contraire peut toutefois être rapportée.
Cependant, l’acceptation d’une facture par une personne qui n’est pas une entreprise ne constitue qu’une présomption de fait (article 8.11, §4, al. 2).

***

En conclusion, l’avènement du nouveau Code civil, par l’adoption de ce premier livre, peut être accueilli avec enthousiasme dès lors qu’il s’avère adapté à l’air du temps puisqu’il intègre les modes de preuve électroniques et autres communications dématérialisées.  
Un autre point positif à saluer est que le « curseur » de la charge de la preuve pourra être déplacé par le juge, tenant compte de la facilité avec laquelle elle pourra être rapportée.  Ainsi, elle pourra être mise à charge du défendeur qui, dans le cadre de procédures pendantes devant les cours et tribunaux, n’est pas toujours la partie au procès la plus malheureuse.  La victime peut, en effet, être le demandeur, contraint à l’action judiciaire.

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